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autourdelaG
21 avril 2006

Le Puits-des-Morts

Pierre s'impatienta de n'être qu'une pierre sur le chemin qui mène à la G. Il tourna à gauche puis à droite dans la rue du Puits-des-Morts, c'était le printemps. Il voulait laisser la petite bicyclette et son désir secret de monter les côtes comme Bernard Hinault, sa bicyclette d'enfant rouge, d'enfant désiré, souhaité, fruit d'une grossesse contrariée, tombé comme chacun de nous par le plus pur des hasards en ce bas-monde, la guerre couvait. Il se dit qu'au bout de l'impasse, il y avait sans doute encore un chemin, et que la vérité était au fond de la rue du Puits-des-Morts. Choisir l'impasse, traîner le pas, ralentir jusqu'à l'extase, choisir le printemps, il demanda son chemin à un quidam. Moi, je m'y suis toujours refusé car j'ai peur de parler. "Je voudrais savoir où est l'endroit où je pourrais passer de l'autre côté" dit-il. L'autre : un barbu au nez camard lui répondit sur une intonation hellenique : "Zé né sais pas... et pourtant, zé lé sais..." Avec sur ses mots une demi-teinte de grec ancien et l'ironie de sa face socratique, il nous donnait à contempler toute la camuserie de son visage comme une insolence.  "Oui, zé lé sais, repris le vieil homme féru de Platon... Quand vous y sérez, c'est là qu'il faut passer dé l'autre côté..." Et Pierre son petit vélo d'enfant sous le bras, son petit vélo rouge d'enfant perdu, marmonna : "Il se fout de ma gueule..."

- Mais que cherches-tu ? 

- La vérité.

- Qu'est-ce que la vérité ?

L'ironie grecque faisait son chemin, piétinant sur place de Ménon jusqu'à nous, elle nous avait conduits où  tous les chemins mènent : à Rome. Pierre baissait les yeux. "Qui dites-vous que je suis? " Mais un autre homme s'engageait dans la petite impasse où nous étions en discussion Pierre, Socrate, Pilate et moi - Platon, je crois, était absent - un homme avançait vers nous dans la rue du Puits-des-Morts qui était sans issue, un homme nous rejoignait le Romain, le Grec, le Juif et moi, le diable probablement, il nous dit avec un fort accent russe qu'il avait la migraine. J'avais toujours sur moi de petites doses de morphines et je crus comprendre que c'était ce qu'il nous réclamait. Et en effet, il eût l'air râvi, il nous parla d'une jeune femme qu'il cherchait pour l'organisation d'un grand bal costumé, lui-même portait une cape, ce qui renforçait le côté diabolique et loufoque de son personnage. 

- Qui êtes-vous ? me demande alors le Maître à brûle-pour-point...

- Moi ? Pourquoi moi ?

- Que faites-vous dans cette impasse ?

- Nous cherchons le chemin...

- Le chemin ? Mais le chemin se trouve en chemin.

Je me souviens qu'il faisait très beau temps ce matin d'avril.

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